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Afrique 50 : Quand un film anticolonial défiait la censure

Un documentaire détourné en arme politique

En 1950, en pleine guerre froide, René Vautier, jeune résistant breton de 22 ans, reçoit une
mission officielle : filmer les « progrès éducatifs » en Afrique-Occidentale française (AOF). Ce devait être un simple reportage sur la vie rurale africaine, mais son objectif capte une tout autre réalité. Militant communiste et ancien résistant, Vautier refuse de se soumettre au discours colonial. Choqué par l’exploitation et la violence qu’il découvre, il décide d’en faire un film de dénonciation, malgré les risques.

Avec l’aide de réseaux de résistants de Quimper – où il avait lui-même combattu pendant la guerre – et de leaders africains comme Houphouët-Boigny ou Sékou Touré, il brave le décret Pierre Laval (pourtant fusillé en 1945 pour collaboration !), qui interdit tout tournage non contrôlé dans les colonies. Afrique 50 naît ainsi dans la clandestinité. Dès sa première projection à Quimper, bastion de résistants, le film est saisi, mutilé (passant de 50 à 17 minutes), et Vautier est emprisonné. Pourtant, l’œuvre circule sous le manteau, diffusée par les réseaux communistes jusqu’au Festival mondial de la jeunesse à Varsovie en 1955, où elle est primée. Un ancien administrateur colonial avouera sous anonymat : « Ce film a forcé Paris à admettre ce que tout le monde savait mais niait. »

Premier film anticolonial français, Afrique 50 révèle l’oppression brutale des peuples colonisés et démonte les mensonges de la « mission civilisatrice ».

Trois actes pour une dénonciation

Le mirage colonial

Le film s’ouvre sur des images idylliques voulues par l’administration : enfants jouant, pêcheurs souriants, femmes travaillant le mil. Mais la voix off de Vautier brise l’illusion : « 4% des enfants sont scolarisés. Juste assez pour former des comptables aux compagnies coloniales. » Il dénonce l’hypocrisie du système : « On ouvre une école quand les grandes firmes ont besoin de main-d’œuvre qualifiée, on envoie un médecin quand les profits sont menacés. »

L’exploitation systématique

La caméra montre des ouvriers épuisés transportant du coton pour 50 francs par jour (moins d’1€ aujourd’hui). Un contremaître lance, cynique : « Si l’un se noie, on donnera 500 francs à sa veuve ! » En surimpression, les logos des multinationales (Lesieur, Unilever) côtoient des vautours, symboles de la prédation capitaliste. Vautier égrène leurs bénéfices astronomiques – « Unilever : 11,5 milliards de francs par an » – prouvant que la colonisation est avant tout une machine à profits. Comme l’écrira l’historien Paulin Soumanou Vieyra : « Ce film montre que chaque balle coloniale était fabriquée avec l’acier des profits capitalistes. »

La repression sanglante

Les séquences les plus brutales révèlent la violence d’État : villages incendiés, prison de
Bassam où meurt Mamba Bakayoko, 70 ans, « pour avoir réclamé des écoles et des hôpitaux ». Vautier liste les martyrs : « N’Go Béna, tué à coup de crosse… comme nos résistants. » Ces victimes n’avaient pour seul crime que d’avoir lutté contre l’oppression coloniale, à l’image des grèves organisées par le syndicat agricole de Félix Houphouët-Boigny, alors député communiste.
Le film se clôt sur une marche unissant prolétaires français et colonisés, main dans la main contre l’impérialisme. Le montage rapide, inspiré d’Eisenstein, alterne symboles coloniaux et visages meurtris, forçant le spectateur à « regarder mieux » derrière le folklore. Comme le souligne Vieyra dans Présence Africaine : « L’originalité de ce film est de révéler les véritables responsables : derrière chaque massacre, une féodalité économique. Pour en finir avec le sang, il faut abattre le système. »

Macron, l’extrême droite et l’amnésie coloniale

En 2021, Emmanuel Macron reconnaît l’assassinat d’Ali Boumendjel comme un « crime d’État » (Le Monde, 2021). Pourtant, la France refuse toujours des excuses officielles pour les crimes coloniaux, comme le massacre du 17 octobre 1961. Afrique 50, en brisant le silence dès 1950, rappelle que ces débats restent brûlants. Aujourd’hui, face à la montée de l’extrême droite – héritière des nostalgiques de l’Algérie française et de l’OAS –, le film est plus que jamais une arme contre la désinformation. En 2022, Marine Le Pen osait encore affirmer que « la colonisation a apporté du progrès » (France 24). Un mensonge que Vautier avait déjà pulvérisé. Alors que les discours réactionnaires se banalisent aujourd’hui, Afrique 50 reste un antidote à
l’oubli

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Monde

Indonesia Gelap : A l’attaque de la destruction des services publiques


Depuis lundi 17 Février 2024, un grand mouvement de protestation généralisé est apparu sur l’archipel Indonésien. Ce mouvement nommé « #IndonesiaGelap » (L’indonésie dans le noir) a été lancé par All-Indonesian Students’ Union (BEM SI). Il est suivi par de nombreux syndicats étudiants et citoyens à travers tout le pays.

Indonesia Gelap à Jakarta

Cet événement d’ampleur national fait suite à une proposition de loi du nouveau président Prabowo Subianto et vice-président Gibran Rakabuming Raka. Elle vise à réduire les dépenses dans les secteurs de l’éducation et de la santé pour financer un programme de repas gratuit opaque. Il est aussi prévu une mise en place de l’ordonnance numéro 1 de 2025 qui vise à réduire de manière massive les dépenses dans les secteurs publiques.

Les principales demandes du mouvement sont :

  1. L’annulation de la l’ordonnance numéro 1 de 2025 qui traduit d’une politique d’austérité forcée sur la population.
  2. Le blocage de la révision des lois sur les minéraux et le charbon qui donne aux entreprises minières plus de droits sur les sols et futurs sols exploités.
  3. L’abrogation du « Dwifungsi » qui donne une place privilégiée à l’armée dans l’appareil d’Etat.
  4. Une réelle réforme agraire qui favorisera la population plutôt que les très grands exploitants terriens.
  5. La mise en place d’une loi pour la protection des indigents.
  6. Une réformation de la police.
  7. Une loi d’expropriation en cas de corruption et de fraude.

En réponse à ces demandes, le gouvernement a mis en place une censure sur les journalistes indonésiens et internationaux ainsi que sur les artistes. Il a aussi utilisé les médias pour discréditer le mouvement en présentant les activistes « d’amis » ou « n’ayant pas compris la profondeur des mesures ».

En 2019, un mouvement similaire avait eu lieu demandant des avancées démocratiques et humaines similaires. Le gouvernement Indonésien l’avait réprimé par la force causant la mort de 5 personnes et plus de 300 blessés.

Ce mouvement affirme une fois de plus qu’à travers le monde, le Capitale essaye de retirer les acquis sociaux ainsi que les droits primaires tel que l’accès à l’éducation, la santé et l’alimentation.
La similarité entre leurs revendications et les nôtres, affirme une fois de plus que notre combat est international et que nous devons nous unir face à la montée d’un capitalisme autoritaire.

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